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Vous nous faites la surprise d’une prise de rôle inattendue, celle de la Salomé de Richard Strauss, qui plus est en français. Comment ce projet est-il né?
En fait, il n’est pas récent. Il date de l’époque à laquelle je chantais Daphne à la Fenice de Venise, en 2005 ; Salome était prévue pour l’année suivante, mais nous avons dû y renoncer pour laisser la place à un ouvrage exigeant une plus grande participation des chœurs. Lorsque j’ai rencontré Stefano Mazzonis di Pralafera, le tout nouveau directeur général et artistique de l’Opéra Royal de Wallonie, il m’a demandé ce qui me plairait ; j’ai aussitôt répondu Manon, j’en rêve depuis longtemps et je voulais m’y essayer avant qu’il ne soit trop tard. Ce n’était pas possible avant 2012 ; mais il lui manquait un titre pour terminer sa saison 2010-2011… Salome est revenue, dans sa version française, plus rare. On ne peut pas refuser une offre pareille !
D’autant que notre langue vous est familière…
Paradoxalement, j’ai enregistré de nombreux opéras français, la plupart peu connus, comme La Jolie Fille de Perth ou La Muette de Portici, mais j’en ai moins interprété à la scène. J’aime la scène de folie d’Ophélie dans Hamlet, mais le reste n’est pas très captivant. J’ai une certaine affection pour Isabelle de Robert le Diable, moins pour Marie dans La Fille du régiment, que je préfère laisser à des cantatrices plus jeunes ; il arrive un moment où il faut savoir s’arrêter. Mais, au risque de me répéter, je suis amoureuse de Manon : je la vois un peu comme Scarlett O’Hara dans Gone with the Wind, prenant des libertés avec la morale, mais fascinante !
N’auriez-vous pas préféré la Salomé allemande?
Non. J’ai bien regardé les deux versions, et la française me convient mieux ; elle est plus lyrique, et le texte d’Oscar Wilde est magnifique. Richard Strauss n’a pas hésité à modifier largement sa partition ; sur YouTube, on en entend un extrait impressionnant par Marjorie Lawrence. Pour l’interprète du rôle-titre, c’est toujours un défi, d’autant plus qu’elle est censée avoir 15 ans. Connaissez-vous beaucoup de jeunes filles capables de chanter ça ?
Comment la voyez-vous justement, cette jeune fille?
Je cherche toujours à savoir d’où viennent les personnages que je dois incarner ; mais l’histoire de Salomé, dans la Bible, n’occupe que quelques lignes. Je la vois comme une enfant gâtée, une adolescente comme on en rencontre aujourd’hui, plutôt amorale, ne serait-ce que parce que chez elle, personne ne lui donne le bon exemple. Elle ne fait pas vraiment la différence entre le Bien et le Mal, mais est-ce de sa faute ? Pas tout à fait ! Elle garde un côté innocent, pétulant. Avec elle, pas de compromis ; elle est habituée à avoir tout ce qu’elle demande, il lui suffit de dire « je le veux », et dans sa tête, elle pense fermement que ce n’est pas à elle de payer pour ce qu’elle exige. Salomé est aussi très manipulatrice, on s’en rend compte dans sa scène d’entrée avec Narraboth.
Quelle place Richard Strauss occupe-t-il dans vos choix?
Son écriture vocale me plaît, et ses livrets sont souvent captivants, surtout ceux dus à Hugo von Hofmannsthal. Celui de Joseph Gregor pour Daphne est moins attirant, mais certains moments de l’ouvrage sont musicalement fascinants. Cette Salomé française est moins violente qu’Elektra, moins lyrique que Capriccio, que j’ai chanté à Naples, et cet « entre-deux » me satisfait. J’ai déjà interprété, en concert, quelques extraits de Der Rosenkavalier ; j’aimerais bien qu’un théâtre m’offre la Maréchale, le rôle conviendrait idéalement à mes possibilités actuelles… et à mon âge ! Mais que voulez-vous, on n’obtient pas toujours ce qu’on cherche ; on a parfois moins, parfois plus. Cette saison, je suis très gâtée.
(Propos recueillis par Michel Parouty)
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